L’art contemporain s’appelle Julien

Julien Crépieux – Julien Discrit – Julien Gardair – Julien Levesque – Julien Nédélec – Julien Pastor – Julien Pelloux – Julien Salaud – Julien Tiberi

Sep 2014

DU 30 SEPTEMBRE AU 24 OCTOBRE 2014

Artistes : Julien Crépieux – Julien Discrit – Julien Gardair – Julien Levesque – Julien Nédélec – Julien Pastor – Julien Pelloux – Julien Salaud – Julien Tiberi

Aujourd’hui, comme hier et demain, construire une exposition, c’est toujours tenter après d’autres de réunir quelques pièces qui, dans l’intensité de leur rencontre imprévue, donneront les mots pour mieux appréhender et désigner la création contemporaine. Robert Nickas proposait ainsi, il y a quelques années, une exposition, « C », présentant les œuvres d’artistes dont le nom commençait par cette lettre. On ne lui fera pas le reproche d’en avoir oublié quelques uns ou de n’avoir pas consulté la base de données Artprice. Sur un territoire plus francophone, on se souvient de la réalisation en 1984 à Berne du projet intitulé Bertrand Lavier présente la peinture des Martin de 1903 à 1984, une quarantaine de tableaux rassemblés parce que leurs auteurs s’appellent « Martin », avec pour commissaire d’exposition… Jean-Hubert Martin. Enfin, on ne peut faire l’impasse sur les collections de Hans Peter Feldman, où nus, marines et paysages peuvent se disputer de manière réjouissante les cimaises. A chacun alors de tisser les liens et les associations, à jouer du décalage entre l’intention de chaque œuvre et la réception de leur contiguïté soudaine, à en énoncer le nom ready-made.

L’art contemporain s’appelle Julien retiendra donc un critère simple, qui quoique totalement arbitraire revet l’objectivité la plus imparable : désigner une génération d’artistes par leur seul prénom. Celui de Julien désigne les artistes qui ont actuellement entre 30 et 40 ans. Certes tous les Julien ne font pas de l’art contemporain, mais c’est le principe de la vocation : on ne peut la revendiquer que lorsque, par ailleurs, on constate combien d’autres ont pu la rater. Quelques esprits chagrins soulèveront que, dans ces memes années, certains qui s’exercent à faire de l’art ne s’appellent pas Julien. C’est exact, mais on ne peut empecher des artistes de se tromper soit d’époque et de génération, soit de profession, ou plus vraisemblablement craindre que leurs parents ont préféré pour les prénommer les errements des thèmes astrologiques à ceux de la grande table des arts. Car il en va de l’attente que nous avons tous de l’art contemporain que les concepts en soient non seulement objectifs, mais aussi irréprochables et inattaquables : le temps des avant- gardes est définitivement clos, la dimension arbitraire est la seule qui articule loyalement, et sur un meme territoire, l’art contemporain, une génération d’artistes et le nom qui désigne l’un et l’autre de manière inséparable.

Et, puisque chaque exposition est un pari, la carte de ce territoire ne se dessinera qu’au moment de l’exposition de peur d’enfreindre la protestation des « fermiers » de l’art contemporain. Car comme le racontait Lewis Carroll dans son roman Sylvie and Bruno Concluded, la carte à échelle d’un mile pour un mile ne fût jamais déployée : « Elle n’a jamais été dépliée jusqu’à présent, dit Mein Herr. Les fermiers ont protesté : ils ont dit qu’elle allait couvrir tout le pays et cacher le soleil. Aussi nous utilisons maintenant le pays lui-meme, comme sa propre carte, et je vous assure que cela convient presque aussi bien ». Et nous ne tenons pas à circuler dans la nuit la plus profonde…

Antoine Perrot