Michel Journiac – Hommage à Michel Journiac

Michel Journiac

Jan 2014

DU 28 JANVIER AU 28 FÉVRIER 2014

“À l’occasion de la publication de Paris des écrits de Michel Journiac aux éditions des Beaux- Arts de Paris, le département Arts Plastiques et Sciences de l’Art de l’Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne souhaite rendre hommage à celui qui y fut, dès 1972, enseignant et avait notamment créé un séminaire-atelier sur le thème du corps.

« Le corps c’est ce qui surgit et qui nous pose en permanence la question que l’on ne peut pas détruire. Les idées peuvent évoluer, se transformer, on peut utiliser tous les sophismes possibles et inimaginables pour s’en tirer, mais devant quelqu’un que l’on désire ou devant la mort, le cadavre, les idéologies craquent. C’est là que la création a son rôle à jouer en assumant cette tentative d’approche du corps – le corps étant la question, le fait sociologique, le moyen et l’objet, l’élément intermédiaire, puisqu’on ne rencontre pas de corps séparé des objets. Il n’y a pas de corps existant de façon absolue. Il est lié à toute une série de contextes, d’objets, de vêtements… A partir de là, je pense toute la question de mon travail »
Initiateur, notamment avec Gina Pane et Vito Acconci, de l’art corporel en France, Michel Journiac, disparu en 1995 à l’âge de soixante ans, est aujourd’hui reconnu comme une source d’inspiration pour de nombreux artistes.

Son œuvre, qui emprunte différents médiums, met en scène un art de la révolte contre les normes imposées et les conventions morales et religieuses. Par la voie de la transgression, l’artiste dénonce les hypocrisies et les non-dits et libère à la fois la parole, les objets et les images, d’une morale aveugle et sourde.

Installations, photographies, sculptures, performances ou rituels – Parcours, Pièges de sang, La lessive, Piège pour un voyeur, Messe pour un corps, Le chèque, Parodie de collection, 24h de la vie d’une femme ordinaire… – les pièces permettent la constitution d’un vocabulaire critique lié à sa pratique, un alphabet nouveau énonçant une mise en accusation sociologique régissant l’acte artistique, dans une finalité critique. Dans une approche qui délaisse l’esthétique, il écrit une nouvelle histoire de l’art résolument subversive.

Prophétique, son oeuvre dégage une véritable énergie poétique, privilégiant l’écart, l’affût, le saut de côté, motivée par un état d’esprit totalement émancipé et libre. Elle apparaît aujourd’hui comme contemporaine, tant sa démarche et ses œuvres vibrent encore dans le quotidien qui est le nôtre.

Nous tenons à remercier tout particulièrement pour la mise en œuvre de l’exposition : Jacques Miège, Jean Luc Monterosso, président de l’Association des Amis de Michel Journiac, la MEP, l’ENSBA et tout particulièrement Pascale le Thorel, Le CNEAI et sa directrice Sylvie Boulanger et la Galerie Patricia Dorfmann.

Michel Journiac lessive allègrement les concepts établis
Par Philippe Dagen

“Il ne faut jamais manquer une occasion de revoir l’œuvre de Michel Journiac (1935-1995). Pour trois raisons au moins : parce qu’il a été l’un des artistes français les plus incisifs et audacieux de son époque ; parce qu’il était aussi inventif dans la performance et la photographie que dans le traitement des objets quotidiens ; parce que, depuis sa mort, une seule rétrospective lui a été consacrée, en 2004, à Strasbourg, et rien dans un musée parisien. À quoi s’ajoute un motif plus circonstanciel : Journiac est de ceux qui ont le plus allègrement mis en cause les genres sexuels, la famille, la notion d’identité. En nos temps de régression, repenser à lui est un soulagement.

L’exposition, qui se tient dans l’université où il enseigna et dans la salle qui porte son nom, est courte, mais contient plusieurs œuvres exemplaires, dont ces 24 heures de la vie d’une femme ordinaire, de 1974. Cette chronique en noir et blanc montre Journiac interprétant des stéréotypes féminins, de la ménagère qui fait la vaisselle à la vamp qui enlève un garçon sur sa moto. On y trouve aussi une mariée, une cover-girl, une stripteaseuse, une prostituée, une lesbienne… C’est drôle et accablant à la fois. Les travestissements, les costumes, les accessoires et les mises en scène sont si justes que l’on pourrait prendre pour du documentaire ce qui est une fiction.”