DU 18 OCTOBRE AU 7 NOVEMBRE 2000
Installation vidéo, 1995
“Je dirais que La siesta/The Nap/Dutje (1995), l’une des réalisations les plus inclassables de Muntadas, suppose un instant de relaxation – le titre lui-même le suggère – entre l’agitation d’autres projets et activités, et une méditation introspective véhiculée en grande partie par des extraits d’œuvres d’un autre créateur. En effet, ce projet vidéographique est issu d’une invitation lancée à un certain nombre d’artistes multimédias, d’âges et d’origines divers, à connaître en profondeur l’œuvre du cinéaste hollandais Joris Ivens (1898-1989) et à concevoir une création personnelle à partir de sa personnalité et de son legs audiovisuel. (Les résultats furent présentés à l’exposition Beyond the Bridge: Joris Ivents, Source for Media Artists, au Netherlands Film Museum d’Amsterdam).
La vidéo s’ouvre sur un cartel avec ces mots : “… an art work is always autobiographical…” , et cette phrase (selon Muntadas, un argument qu’il n’aurais jamais soutenu en aucune manière quelques années auparavant) définit l’esprit de la pièce, qui n’est ni une évocation d’Ivens ni un hommage, mais qui combine les fragments de quelques-uns de ses films afin de réfléchir à certaines questions et attitudes pour lesquelles, comme le souhaitaient les organisateurs du projet, un artiste multimédia d’aujourd’hui peut se sentir proche des inquiétudes, de l’engagement et des diverses étapes qui caractérisent le profil du grand cinéaste. Ainsi, le fil conducteur des images est en effet une sieste au milieu de laquelle s’insèrent de brefs fragments issus de la première filmographie d’Ivens – comme s’il s’agissait d’instants rêvés ou de souvenirs fugaces -, lesquels ont été sélectionnés parmi ses œuvres les plus expérimentales et avant-gardistes dans la forme ; où l’on remarque, même lorsqu’il commence à soccuper du monde ouvrier et de ses luttes, ou d’autres questions politiques, une préoccupation formelle simultanée pour l’image, la force de sa composition et la rythmique du montage.
Et le geste par lequel le temps de repos de la sieste est représenté est le bras du dormeur pendant de l’accoudoir d’un fauteuil, le poing serré mais non levé, dans une connotation symbolique sans équivoque. (Dans sa présentation en tant qu’installation, La siesta… vise à reproduire une disposition spatiale analogue à celle représentée sur le plan initial de la vidéo, puisqu’il se projette sur un mur blanc et sur un fauteuil placé juste devant). De cette manière, la tendance subjective et l’exploration esthétique que maintient l’art multimédia (comme avant le cinéma d’avant-garde, documentaire ou expérimental qui fit l’apparition dans la jeunesse d’Ivens) sont mises en relation avec une vision critique et une alerte éthique devant la réalité et ses conflits. Et le dénouement de la pièce est, comment aurait-il pu en être autrement, le même que celui de la sieste réparatrice : le réveil et le retour à l’activité momentanément interrompue.”
Eugeni Bonet
Traduit de l’espagnol par Anna Guillo